SYSTEMES > SYSTEME INTELLECTUEL
Médias et manipulations
Témoignage d'un ancien de la DGSE (Eric Filiol). Intégralité sur youtube ici :
https://www.youtube.com/watch?v=fmgxfvbAMK8 (Thinkerview)
Conversations sur la géopolitique du Moyen-Orient. Critique des néoconservateurs américains
Invités :
Pierre Conesa, est un haut fonctionnaire (ex directeur adjoint de la délégation des Affaires stratégiques au Ministère de la Défense) et écrivain français.
Hervé Brusini est un journaliste français. Il a dirigé le service des informations générales de l'ancienne Antenne 2 devenue France 2 et a aussi été directeur délégué à l’information de France 3 (2004-2008).
Ce seront les peuples capables de préserver l’art de vivre et de le cultiver de manière plus intense , capables aussi de ne pas se vendre pour assurer leur subsistance , qui seront en mesure de jouir de l’abondance le jour où elle sera là . John Maynard Keynes
#40 SYSTEME INTELLECTUEL
Celui qui tente de penser et d'écrire n'a d'autre choix que de mettre le doigt sur les contradictions et les impostures.
Claude Julien
CHAPITRE 40 - SYSTEME INTELLECTUEL
L'EPOQUE ARON FURET - LE PUISSANT SYSTEME BOURDIEU - LES INTELLECTUELS SOIXANTE-HUITARDS - LE FRONT POPULAIRE DE MICHEL ONFRAY
Pour Alain Minc, "Ma seule certitude pour l'avenir est de voir s'effilocher la capacité de nuisance des intellectuels. Ils tourneront en rond, se croiront essentiels, surestimeront les gestes du pouvoir politique mais ne mesureront pas que leur influence effective aura décru de manière exponentielle".
L'époque Raymond Aron, François Furet
Ceux qui acceptent de se confronter aux entrepreneurs : Saint-Simonien
François Furet, Foucault, Touraine, Le Roy Ladurie, Casanova, Jean Daniel, Pierre Nora, François Jacob, Semprun bénéficiait du charisme, de l'allule, de l'élégance, et du sens des formules mais sans en faire vraiment usage selon Minc. Une dimension publique aurait entamé sa légimité intellectuelle.
Le puissant système Bourdieu
Les intellectuels soixante-huitards : Serge July, Franz Olivier Giesbert, Laurent Jorrin
La vie intellectuelle aurait-elle résitée plus que d'autres univers à la la mutation technologique se pose la question Minc ?
Le pouvoir fascine les intellectuels comme le miel attire les mouches. Ils pullulent autour des monarques et des présidents.
Il sait qu'autour de chacun de ces pouvoirs gravitent une multitude de compétences et de talents, et qu'il n'a rien à faire parmi eux parce que, par définition, sous peine de se trahir, celui qui tente de penser et d'écrire n'a d'autre choix que de revéler ce que tout pouvoir s'efforce de cacher, d'exposer en pleine lumière ce que tout pouvoir veut présenter sous l'éclairage le plus favorable, de mettre le doigt sur les contracdictions et les impostures, d'attirer les regards sur ce qui peut être difficile de percevoir, d'écouter ceux qui ont peu de moyens de se faire entendre, de traduire ce qu'ils disent parfois si bien alors que nul ne les écoute. Claude Julien
Les sociologues et la French Theory
Dans un article du Monde du mois d'août 2002, le chercheur Zaki Laïdi raconte que Karl Polanyi, dans son grand livre sur la mondialisation et l'histoire du capitalisme entre la fin du XIXème siècle et la première guerre mondiale, explique comment la transformation du monde s'est organisée autour de trois piliers :
- un système interétatique garant de la guerre et de la paix et construit autour du concert des nations
- une idéologie, celle du marché autorégulateur
- des leaders en nombre très limité et représentant la haute finance
Le concert des nations qui assurait l'équilibre du monde mais mal puisque cela n'a pas empêché le déclenchement de deux guerres a laissé la place à un système plus complexe, privatisé, dans lequel des entreprises jouent un rôle majeur. Selon le chercheur, l'objectif des Etats-Unis a consisté a dépassé le dilemne isolationnisme et interventionnisme pour inventer le principe d'acosmie : américanisation du monde mais sans mondalisation de l'amérique. Le 11 septembre n'a pas été étrangé à cette posture repoussant encore un peu plus toute coopération dans la mise en place d'une gourvernance mondiale.
Christianisme, Islam et laicité
Le problème repose sur un déséquilibre fondamental : en occident, la laïcité a émergé dans le contexte du Christianisme qui avait bien des défauts mais ce n'est pas le cas de l'Islam qu'il soit radical et même modéré. Ce point de vue soutenu par Jacques Julliard [] suscite peu d'enthousiame à gauche. Et pour certains philosophe, la problématique de non séparation Etat et Religion pour l'Islam serait plus complexe qu'il n'y parait. Les trois monothéismes partent du même constat : que le politique est impur. Il parle de compromission subie y compris chez les quiétistes. Même la théocratie iranienne doit s'appuyer sur une production idéologique ad hoc. En résumé, les religions se limitent à des textes (protestantisme, sunnisme) et parfois accompagné par un clergé (chiites, catholique) et dans certains cas, à certains moments de l'histoire, le politique s'empare de la réligion pour des raisons absolument pas philosophiques ou religieuses (dictateurs, prédateurs économiques, fous etc). Pour parvenir à leurs fins ils instrumentalisent ce qu'ils peuvent pour diriger des peuples peu instruits avec les moyens du bord (universités, clergé financé etc). On pense au cas des Frères Musulmans aux mêmes vraisemblablement sujets à influence et manipulations. A voir en diplomatie.
[X] Interview NouvelObs, Octobre 2017
Aucune culture ne peut s'ériger sans politique des morts
Rien à perdre, perdre régulièrement. Dans ce monde, faut-il que quelqu'un perdre ? Mieux faut-il s'écorcher le petit doit ou bien que le monde s'effondre ? Justice serait de bien identifier les causes réelles des pertes, des échecs des citoyens. Comment repasser d'un univers infini à un monde fini ?
Méfiance du collectif
L'exemple de Simone Weil.
L'esprit rationnel et scientifique ne va naturellement pas aimer voir un lien hypothétique ou disons non démontré ou démontrable entre deux problématique. Il va le rejeter. "C'est autre chose....". Ainsi le débat n'est pas facilité avec ceux qui voient des liens, des connexions.
Pour tout changer, faut-il rester immobile ?
NOTES
Notes
Le Front Populaire de Michel Onfray : Onfray, Raoult, Chevènement....
Paxton
Mounier
[] L'express, La fin des intellectuels français, 2000
RESSOURCES
Bibliographie
Pouvoir intellectuel, les nouveaux réseaux, Emmanuel Lemieux, DenoëlSystème, Alain Minc
Twitter, c'est pas mal. Un bon détecteur de narcissiques et d'arrogants assoiffés d'autopromotion.
Le devoir d’irrespect - Claude Julien (1979)
Au bout du compte, le choix de celui qui écrit dépend de son tempérament plus que de ses analyses. Et souvent les précède. Voilà qui fournira une belle occasion de s’indigner ! Car, s’il en est ainsi, la réflexion n’aurait donc d’autre rôle que de servir d’obscures passions en les habillant d’arguments suffisamment élaborés pour leur fournir une indispensable parure de respectabilité ? Mais, à affirmer le contraire, on avancerait une insoutenable prétention : tout, la culture acquise, la somme des connaissances, la faculté de discernement, l’aptitude à trier, peser, jauger, apprécier, la subtile combinaison de l’intelligence et de la sensibilité, tous ces ingrédients qui nourrissent la pensée et concourent à l’écriture fonctionneraient avec l’implacable précision d’une machine, la rigueur d’une science excluant tout risque d’erreur mais aussi et surtout ignorant toute éthique, bref la raison raisonnante qui serait l’unique garante de toute sagesse, de toute vérité, de toute vertu.
Les choix de celui qui écrit sont à la fois plus complexes et plus simples. Et fort limitées les options qui se présentent à lui. Fuyant tout affairisme et tout arrivisme, se consacrant exclusivement à son art, il peut choisir de se retirer loin du bruit et de la fureur qui trop souvent troublent la vue, brouillent l’entendement, paralysent la réflexion. Ce monde trépidant, grisé de sa propre fébrilité, a tôt fait de condamner pareille retraite : vouloir ainsi s’abstraire des remous et des tempêtes, dit-on, serait trahir la fraternelle solidarité des hommes, abandonner à leur sort tragique les victimes des crises qui déchirent la planète, peut-être les enfoncer davantage dans leur drame de faim, d’humiliation et de sang.
Mais combien d’intelligences et de talents – chefs de parti ou d’entreprise, penseurs et écrivains, ingénieurs et savants, artistes et technocrates –, follement engagés dans les tourbillons de la vie moderne, ont préparé, provoqué ou aggravé les drames qui leur fournissent ensuite matière à tant d’exhortations ou de lamentations ? Ceux-là ne se sont certes pas dérobés, ils en sont même fiers alors qu’on n’en finit pas de déplorer leur action de gribouille. Que ne les a-t-on enfermés dans une tour qui ne serait pas d’ivoire ! Leur constante agitation, parée de tous les atours de l’esprit, eût alors causé moins de ravages... Ils cédaient à l’illusoire ambition de peser sur le cours des idées et des choses, oubliant – ce qu’ils n’avaient peut-être jamais compris – que le monde ne saurait se passer de méditatifs et de contemplatifs, dont l’influence, difficile à évaluer, reste irremplaçable.
Il serait superflu d’évoquer ici les grands exemples dont l’histoire a conservé l’empreinte, durablement gravée dans le livre et la pierre, alors que tant de leurs contemporains agités, ostensiblement présents sur la scène publique, n’ont laissé aucune trace de leur passage. L’efficacité par le recueillement subsiste dans le monde d’aujourd’hui : au cours des années cinquante et soixante, du fond de son monastère, le trappiste américain Thomas Merton sut percevoir l’ampleur et la gravité des problèmes raciaux avec plus d’acuité que tous les sociologues au service du gouvernement de Washington, avec plus de justesse que ces militants qui, sans compter, se dépensaient dans la lutte pour les droits civiques – et dont la plupart ont bien vite abandonné le combat ou tourné casaque.
L’activisme n’a jamais constitué le meilleur moyen de s’inscrire utilement dans les débats contemporains. Se lancer au cœur de la mêlée ne garantit nullement que l’on sera présent à l’histoire, se replier dans une tour d’ivoire n’est pas nécessairement une trahison. Bien au contraire, la tentation en devient de plus en plus forte, et de plus en plus justifiée, au fur et à mesure que s’emballe la machine à broyer l’humain. A l’extrême opposé s’offre une autre possibilité, choisie par le plus grand nombre : le contemplatif a les mains propres, mais il n’a pas de mains – acceptons donc de nous salir les mains en entrant dans la bagarre où, après tout, nous ne ferons pas plus mal, et peut-être mieux, que d’autres. L’important devient alors de bien choisir sa place dans le déploiement des forces, de se porter sur les positions sensibles où se décidera l’issue des affrontements.
Désir d’efficacité ? Sans doute, mais aussi vanité de se savoir actif aux points stratégiques vers lesquels se portent tous les regards. Occuper une place importante, jouer un rôle : cette ambition paraît légitime, elle conduit pourtant aux pires errements. Car, inexorablement, elle entraîne l’individu vers les lieux de pouvoir où règne une autre logique que celle de l’intellectuel et de l’écrivain. Le vrai, ici, change de définition : est vrai ce qui réussit, tout le reste n’est que creuse songerie, tout juste bonne pour quiconque a choisi d’écrire au lieu d’agir, en se persuadant de surcroît qu’écrire c’est agir.
Mais les politiques, eux, ne s’y trompent pas. A eux le privilège de transformer les rapports de force et les relations d’intérêts, de contrôler les véritables centres de décision, d’orienter les fonds publics, de procéder aux nominations importantes, d’accorder ou de refuser ce qu’ils estiment juste ou, plus prosaïquement, opportun. A ce compte, ils peuvent bien laisser écrire les hommes de plume qui les servent. Et ceux-ci sont légion.
Car le pouvoir fascine les intellectuels comme le miel attire les mouches. Ils pullulent autour des monarques et des présidents, assez habiles pour savoir les écouter, leur prodiguer des conseils, leur faire de fausses confidences, les recevoir à leur table. On en parle dans les salons... Qu’importe s’ils n’ont pas tous l’entregent de Rastignac ; ils n’en sont pas moins utiles. Du moins se plaisent-ils à le croire. Car ils ont leur sagesse : à trop s’éloigner du trône, on finit par se marginaliser soi-même, et c’est bien ce qu’ils redoutent. Plus proche du pouvoir, plus proche de l’événement et de la décision. Ils en sont fermement persuadés. Jusqu’au moment où le pouvoir chancelle puis bascule. Sont-ils alors pris au dépourvu ? Ne les sous-estimez pas : ils ont acquis assez de savoir-faire pour se retourner en temps opportun. Ils s’agitent, font du bruit, brassent beaucoup d’air mais, pour que l’histoire retienne leur nom, il faut qu’un Balzac se soit attaché à les observer avec la précision d’un entomologiste en vue de mieux les brocarder.
En dehors du contemplatif, moins détaché qu’on ne le croit, et de l’ambitieux, fourvoyé, il reste un seul autre modèle possible : celui de l’intellectuel qui ne se propose pas de laisser un nom dans les chroniques, qui n’a même pas l’illusion de peser sur l’évolution des idées et des événements. Et qui malgré tout se bat, fût-il convaincu d’avance de perdre son combat. On le dira modeste, désintéressé : c’est pourtant lui qui atteint les sommets de l’orgueil et de la plus haute ambition, alors que tant d’autres s’égarent dans les marais d’une banale vanité. Pis : on le dira idéaliste, rêveur, accroché à une chimère, alors que, dédaignant la mousse qui pétille dans les salons, il s’attache à des réalités que les hommes de pouvoir ne savent pas ou ne veulent pas voir.
Car les vérités du pouvoir (pouvoir de l’Etat, pouvoir des partis d’opposition, pouvoir de l’argent, pouvoir de ceux qui orientent et décident) ne peuvent pas être les siennes. Il sait qu’autour de chacun de ces pouvoirs gravitent une multitude de compétences et de talents, et qu’il n’a rien à faire parmi eux parce que, par définition, sous peine de se trahir, celui qui tente de penser et d’écrire n’a d’autre choix que de révéler ce que tout pouvoir s’efforce de cacher, d’exposer en pleine lumière ce que tout pouvoir veut présenter sous l’éclairage le plus favorable, de mettre le doigt sur les contradictions et les impostures, d’attirer les regards sur ce qu’il peut être difficile de percevoir, d’écouter ceux qui ont peu de moyens de se faire entendre, de traduire ce qu’ils disent parfois si bien alors que nul ne les écoute.
Face aux cohortes de thuriféraires des différents pouvoirs, il campe sur une position résolument critique. A peu près seul. Socialement inconfortable. Humainement heureux et pourtant inquiet. Mais obstiné. Le devoir de critique ne l’autorise certes pas à tout dénigrer, mais l’oblige à d’incessantes recherches, la curiosité toujours en éveil, loin des faux-semblants, loin des modes et des engouements. Nécessairement minoritaire, il lui importe peu d’être considéré comme un « marginal ». Car il sait que, pour tout homme de pouvoir, ne s’intéressant qu’aux moyens du pouvoir, les « marges » englobent les multitudes de ceux qui, précisément, n’ont aucun pouvoir.
Aux yeux du monde, il est déraisonnable. On lui dira que là est sa faiblesse, qu’il a tort de vouloir avoir raison contre tous, qu’il a un fichu caractère – il faudrait lui fournir l’adresse d’un psychiatre. Car chacun doit vivre avec son temps, s’adapter à la société dans laquelle on n’a pas choisi de vivre. Mais, devant la succession des modes éphémères, il n’a pas le goût des contorsions et revirements indispensables pour toujours se conformer à l’air du temps. On le disait idéaliste et naïf, mais voilà que, s’il poursuit dans la voie choisie, on le dit arrogant.
De fait, cette accusation s’appuie sur des preuves solides. Il ne s’est pas laissé porter par les grandes vagues d’engouement pour le communisme (il était donc un aimable intellectuel petit-bourgeois), et pas davantage par le puissant reflux qui, sans discrimination, jette aux orties tous les outils de l’analyse marxiste (le voilà donc stalinien). Il a décrit l’avide gourmandise du capitalisme d’outre-Atlantique (il était donc anti-américain), mais ne voit pas dans l’étatisation le remède à la crise (c’est un agent de l’impérialisme). Il a beaucoup écrit sur l’exploitation des peuples dominés (mais comment ne pas le pardonner à un idéaliste ?) et s’obstine dans la même veine (c’est un cynique qui ose proposer en modèle les tyranneaux du tiers-monde). Il n’a pas cédé aux paniques de la guerre froide (c’était un pacifiste à tout crin), il n’avale pas les définitions officielles de la détente (le voilà devenu prophète de malheur, annonciateur d’apocalypse et, pour tout dire, fauteur de guerre).
A vrai dire, il s’en moque. Enormes sont les moyens mis en œuvre pour conditionner l’opinion publique, et, dans leur immense majorité, ces moyens – à la fois intellectuels et matériels – sont aux mains des hommes de pouvoir, directement ou par relais, administrativement ou par complaisance. Une société peut, dans de telles conditions, se permettre de sacrifier aux rites de la démocratie chaque fois que cela ne porte pas atteinte aux intérêts des puissants, mais ses dirigeants savent bien qu’elle changerait de visage si la démocratie était libérée de ses entraves. Voilà bien le danger. Pour tenter de l’écarter, il faut convaincre le grand public que, en dépit d’incontestables déficiences, la société libérale avancée est quand même plus agréable à vivre que tout autre modèle existant de par le monde. Aucun effort ne sera donc négligé pour dénoncer les tares – ostensibles, éclatantes – des autres systèmes. Et pourquoi pas, si un exercice aussi salubre ne détourne pas le regard des tares du système dans lequel on vit ? Mais la critique se porte plus volontiers sur autrui que sur soi et finit par donner un caractère anodin et bénin aux injustices commises chez soi.
Nous sommes ici, en Europe. Et c’est ici que nous pouvons nous battre, à l’intérieur même d’un système qui, dans ses propres frontières comme, par de multiples ramifications, bien au-delà de ses limites géopolitiques, n’a rien d’innocent. Les pouvoirs constitués ont mobilisé, à leur service, une nuée de compétences, d’intelligences – et aussi, de plus médiocres talents – pour entretenir et développer les mécanismes qui accaparent la richesse, la distribuent inégalement, nourrissent les privilèges, cultivent la corruption, sympathisent avec les dictatures, exploitent des centaines de millions de misérables, accumulent les rancœurs, les désespoirs et les haines, préparent l’explosion qui demain emportera tout ce que les hommes au pouvoir prétendent conserver.
Il est grand temps de procéder à des révisions radicales si l’on veut conserver ce à quoi nous sommes le plus attachés : libertés individuelles et publiques, pluralisme philosophique et politique, mode de vie, etc., toutes choses qui seraient irrémédiablement compromises si l’on s’agrippait à leurs formes extérieures plus qu’à leur contenu, à leurs apparences plus qu’à leur signification.
Sans doute est-ce être conservateur que de refuser les miroitements de nos sociétés pour aller à l’essentiel, de dénoncer l’optimisme des promesses qui ne peuvent être tenues, de montrer les dangers sur lesquels les gouvernements sont étonnamment discrets, de contester le discours officiel qui, à travers la « détente » comme dans la « guerre froide », dans la crise d’aujourd’hui comme hier en pleine expansion, se déroule, imperturbable, sûr de lui, rassurant, alors que, de compromis en reniements, de tromperies en replâtrages, il conduit vers le désastre.
Tel est bien le devoir de critique qui s’impose à quiconque veut observer, analyser, comprendre, expliquer. Y renoncer serait abdiquer toute liberté d’esprit face aux hommes de pouvoir, quelle que soit la forme de leur pouvoir. Sceptique, plutôt que de se joindre au chœur des laudateurs. Irrévérencieux, pour ne pas participer au vaste concours des complaisances. Lorsque la tâche devient ou paraît trop lourde, certains choisissent alors le confort trompeur, les illusoires facilités et les vaines satisfactions que procurent les antichambres du pouvoir, des pouvoirs, sans se rendre compte qu’ils immolent leurs qualités d’esprit sans pour autant prendre prise sur le pouvoir.
Mieux vaut alors, seule voie honorable, s’adonner à la contemplation.
Claude Julien
Directeur du Monde diplomatique de 1973 à 1990
La Revue des deux mondes
La Revue des deux Mondes, recueil de la politique, de l'administration et des mœurs fut fondée le 1er août 1829 par Prosper Mauroy et par Pierre de Ségur-Dupeyron, et éditée par François Buloz pour donner une tribune aux idées en France en relation avec les autres pays d'Europe et avec le continent américain en particulier. Elle est sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité.
En janvier 1830, son titre devient Revue des deux mondes. Journal des voyages, de l'administration et des mœurs, etc., chez les différens peuples du globe ou archives géographiques et historiques du XIXe siècle ; rédigée par une société de savants, de voyageurs et de littérateurs français et étrangers. Dès 1831, François Buloz en devient le rédacteur en chef. Il accueille Alexandre Dumas, Alfred de Vigny, Honoré de Balzac, Sainte-Beuve, Charles Baudelaire, George Sand, Alfred de Musset et autres grands noms de la littérature de cette époque, car, à l’origine, c’est la littérature qui domine le contenu de la revue.
L'objectif de la revue est de développer l'esprit critique et l'analyse de la vie politique au sens large (mode d'administration, organisation civile et politique, ressources financières, industrielles ou agricoles) en comparant avec ce qui se vit dans le reste du monde. Comme le dit l'éditorial du premier numéro : « voir les mêmes principes diversement compris et appliqués en France et en Angleterre, au Brésil et en Allemagne, sur les bords de la Delaware et sur les rivages de la mer du Sud ». Les deux Mondes sont donc la France et le reste du Monde.
Toutefois, la politique, l’économie et les beaux-arts y prendront par la suite une place importante. Libérale jusqu'en 1848, elle amorce ensuite un tournant plus conservateur. Sous le Second Empire, elle est une revue d’opposition. Après la mort en 1877 de François Buloz, qui avait soutenu Adolphe Thiers, la revue est dirigée entre autres par Charles Buloz, fils de François, qui y accueille Paul Bourget, puis par Ferdinand Brunetière, critique influent et membre de l’Académie française en 1900. Elle compte 26 000 abonnés en 1855.
À la fin du xixe siècle, sous l’influence de Ferdinand Brunetière, la revue soutient l’Église catholique contre les offensives anticléricales. Comme la grande majorité des revues, celle-ci se politise davantage à l'occasion et à partir de l'affaire Dreyfus4. En 1945, elle change de titre pour devenir La Revue, littérature, histoire, arts et sciences des Deux Mondes. Puis elle fusionne en 1956 avec le mensuel Hommes et mondes. Devenue mensuelle en 1969, elle prend le nom de Revue mensuelle des Deux Mondes en 1972, pour retrouver son titre d’origine La Revue des Deux Mondes en 19826.
La Revue des deux Mondes, fut dirigée par l'écrivain et critique littéraire Michel Crépu, avant d'être remplacé par Valérie Toranian fin 2014, et compte environ 5 000 abonnés, pour un tirage proche de 8 000 exemplaires7. Si Commentaire l'a détrônée comme revue intellectuelle de référence des droites4, elle garde un certain rayonnement dans le monde intellectuel, ce dont témoignent les chroniques régulières de son ancien rédacteur en chef dans l'émission radiophonique Le Masque et la Plume sur France Inter.
Depuis le 14 mai 2008, deux innovations sont à signaler : elle décerne d'une part un prix de l'Essai, doté de 10 000 €, dont le premier lauréat est le byzantiniste Gilbert Dagron, pour son livre Décrire et peindre (Gallimard, 2007) ; d'autre part, elle met peu à peu en ligne l'intégralité de ses articles, depuis la création de la revue.
Revue Esprit - article de La Croix de 2012
En janvier 2012, Marc-Olivier Padis prendra la succession d’Olivier Mongin à la direction de la rédaction.
Les générations se succèdent, une histoire se poursuit… Se prêtant au jeu des anniversaires, la revue Esprit n’a pas à rougir de ses 80 ans, à l’occasion desquels le témoin sera transmis entre Olivier Mongin et Marc-Olivier Padis à la direction de la rédaction. Le titre de son dernier éditorial en témoigne : il reprend et confirme l’appel lancé par Emmanuel Mounier, son fondateur, en 1932, à « Refaire la Renaissance (1) ».
Le philosophe catholique relevait alors avec clairvoyance la profondeur d’une « crise de civilisation », cumulant tempête économique (krach de 1929), morale et politique (nazisme, communisme, contestation de la démocratie…). La revue naîtra d’un souci de reconstruire un humanisme fondé sur la personne, menacée par le capitalisme, l’individualisme, l’utilitarisme et le matérialisme. Ses seules forces seront celles de « l’esprit », avec et sans majuscule : le travail de l’intelligence et l’ouverture au spirituel.
Quatre-vingts ans après, la crise est toujours là… Esprit aussi ! Plus qu’une identité, la revue s’est forgé un style : faire vivre un espace public intellectuel, plus vaste que l’université, en prise avec le politique. être ancrée à gauche, mais indépendante. Rassembler un collectif fortement marqué par le christianisme, mais non confessionnel et ayant toujours compté en son sein des non-chrétiens et des non-croyants. « La vraie frontière passe entre ceux qui se posent des questions et ceux qui ne s’en posent pas », résume Paul Thibaud, directeur de la revue de 1977 à 1989, pour expliquer cette ouverture congénitale.
Diversité interne
Depuis les origines, Esprit a développé une vision de l’engagement « qui s’oppose au purisme des bonnes intentions », rappelle Paul Thibaud. « C’est l’idée que nous ne connaissons nos valeurs qu’à travers les situations auxquelles nous sommes confrontés qui nous permettent de les éprouver. » Cette manière de faire a montré sa fécondité. Elle a permis à la revue de poser des choix, en faveur de la démocratie, de l’État providence, contre la guerre d’Algérie ou les totalitarismes.
Elle l’a rendue attentive aux enjeux de l’urbanisme, de la mondialisation, de solidarité et de justice sociale… La revue a puisé sa force dans sa diversité interne. « Esprit a toujours abrité une tendance plus critique et une tendance plus réformiste, explique Goulven Boudic, historien (2). Cette oscillation permanente fait partie de sa carte génétique : la revue refuse de choisir un camp, tout en faisant vivre une diversité en son sein. »
Aujourd’hui, la publication, vendue à 8 000 exemplaires (à parts égales en kiosque et à l’abonnement), doit tracer sa route dans un contexte complexe. Il y a d’abord les difficultés internes. Les finances sont assurées à court terme, mais l’avenir économique doit être consolidé. Le lectorat doit être renouvelé, tout comme le vivier des collaborateurs. Olivier Mongin et Marc-Olivier Padis, qui partagent la direction de la revue, font sur ce point un même diagnostic : Esprit a eu tendance à devenir trop universitaire ces dernières années. « Ce phénomène est lié à l’effondrement des groupes sociaux où la revue était une référence (catholiques de gauche, militants politiques et syndicaux…), dont les membres écrivaient pour Esprit, analyse Goulven Boudic. Aujourd’hui qui écrit pour qui ? La question n’est pas simple… »
De la hauteur dans les débats
À l’extérieur, les obstacles ne manquent pas non plus : crise économique qui rend l’achat d’une revue coûteux, baisse de la lecture, hyperspécialisation de la vie intellectuelle, désintérêt du politique et accélération médiatique qui marginalisent le monde des idées… Mais il en faudrait plus pour décourager les gens d’Esprit. « Dans une période de turbulence, on a besoin de retrouver des zones de stabilité, c’est ce que nous offrons », souligne Olivier Mongin. « Notre préoccupation est de redessiner un paysage global, alors que chacun à tendance à s’enfermer dans sa profession, sa spécialisation… », complète Marc-Olivier Padis.
Face à la croissance des inégalités et des fragilités sociales, Esprit veut continuer à accompagner de manière critique la modernité. « Il faut dire que ce monde est dur, mais que nous ne sommes pas condamnés à la désespérance, insiste Olivier Mongin. Et je crois que c’est en cherchant à comprendre ce monde que l’on peut sortir de la désespérance. » De cette espérance réaliste, typique d’Esprit, le philosophe Paul Ricœur avait fait une belle formule : « Il faut faire le pari que les avancées du bien se cumulent, mais que les intempéries du mal ne font pas système. »
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Marc-Olivier Padis, nouveau directeur de la rédaction
Âgé de 44 ans, Marc-Olivier Padis prendra début janvier la direction de la rédaction de la revue Esprit, succédant à Olivier Mongin – qui reste directeur de la publication et s’attellera à repenser le modèle économique de la revue. Normalien, agrégé de lettres modernes, Marc-Olivier Padis a rejoint la revue lorsqu’il était étudiant, au début des années 1990. Engagé comme secrétaire de rédaction en 1993, il en était le rédacteur en chef depuis 2004. Proche des courants sociaux-démocrates, Marc-Olivier Padis a été chargé de mission à La Vie des idées et membre fondateur du « think tank » de gauche Terra Nova en 2008. Comme tous les directeurs d’Esprit depuis sa fondation, Marc-Olivier Padis est de convictions catholiques.
Revue Commentaire
2017 : possibilité d'abonnement numérique.
Commentaire est une revue intellectuelle trimestrielle fondée par Raymond Aron en 1978 « qui s'inquiétait de la perspective d'une arrivée de la gauche socialiste et communiste au pouvoir »1, succédant à la revue Contrepoint. Elle est actuellement dirigée par Jean-Claude Casanova et tire à 6 000 exemplaires.
Positionnement politiqueSes auteurs aux parcours et horizons divers ont pour objectif d'éclairer leurs lecteurs sur toutes les grandes questions contemporaines, et de défendre les principes qui doivent gouverner les sociétés libérales.
Selon Olivier Corpet, Commentaire serait la « seule revue intellectuelle de droite qui compte vraiment ». Elle conserve depuis sa fondation une ligne éditoriale proche de la pensée d'Aron, un libéralisme tempéré, mâtiné de conservatisme, d'atlantisme et favorable à la construction européenne. Selon Jean-Claude Casanova : « Si on trace un axe droite-gauche ils [les rédacteurs] se répartissent pour un tiers à gauche et pour deux à droite.
Revue Le Débat
Le Débat a été fondé en mai 1980 par l'historien Pierre Nora, qui anime depuis 1966 le secteur des sciences humaines chez Gallimard. Il est l'éditeur de Raymond Aron, Georges Dumézil, François Jacob, Michel Foucault, Emmanuel Le Roy Ladurie, François Furet, Jacques Le Goff… pour ne citer que quelques noms. Sans oublier Marcel Gauchet, devenu rédacteur en chef de la revue. Le Débat est donc apparu comme l'émanation de ce milieu intellectuel – un instrument indispensable d'analyse et de discussion, à leur meilleur niveau, des grands problèmes et débats du monde contemporain.
Le Débat vu par Pierre Nora :
«Pour qui avait, au début des années 80, le sentiment aigu d'un monde à tous égards nouveau, la tâche était claire : lutter sur deux fronts, contre la réduction médiatique d'un côté, la spécialisation universitaire de l'autre ; maintenir un espace de discussion publique ; défendre et illustrer un travail intellectuel de réflexion et de critique. Ce travail, nous l'avons distribué autour de trois axes : histoire, politique, société.
Histoire, parce qu'un immense travail de sélection critique et d'enregistrement réfléchi s'impose d'un siècle qui, loin de se solder par un bilan tragique et négatif, a le plus profondément et radicalement enrichi la connaissance de l'homme par l'homme et démultiplié sa conscience de lui-même. Et l'affrontement du suivant implique la réinterprétation générale de notre tradition et de notre héritage. Notre avenir appelle l'histoire, si nous ne voulons pas être les orphelins du passé.
Politique, parce que le ralliement général aux valeurs et aux principes de la démocratie n'est pas la sortie de l'histoire. La généralisation de la démocratie est le début de la confrontation concrète à la multitude des problèmes dont personne ne peut prétendre, sauf les démagogues, détenir la solution : de la démocratisation du système politique à la réforme fiscale en passant par la réforme de la puissance publique, de l'État Providence et de l'Université. Le Débat n'a pas arrêté d'en débattre.
Société, enfin, parce qu'une collectivité nationale comme la France, qui ne se vit plus dans le conflit politique et religieux radicalement exterminateur, se doit d'abord, si elle veut apprendre à gérer ses antagonismes, de repérer et de comprendre ses formes nouvelles. Depuis l'attention portée aux nouvelles pratiques de l'individualisme démocratique, comme le sport, la mode, la publicité, la télévision, les loisirs jusqu'aux formes les plus conflictuelles des ruptures sociales : villes invivables, nouvelles conditions de l'exclusion et du conflit des générations, contradictions de l'économie et affrontements nés de l'immigration.
Un tel type de travail, modeste et de longue haleine, loin de toute attitude sectaire, prophétique, partisane, étroitement militante et purement protestataire, suppose la convocation et l'analyse de tous les éléments qui permettent d'essayer de comprendre un monde de plus en plus compliqué, et, en fournissant des clés d'intelligibilité, d'en permettre la maîtrise. À l'urgence de l'engagement s'est substituée, pour nous, la priorité du jugement. Le refus de l'engagement politique partisan n'est que le produit d'une volonté de responsabilité civique.»