POUVOIRS > REGLES

Le poids du Code du travail
Standardiser pour rendre compatible des appareils, pour sécuriser les consommateurs mais jusqu'à quel point ? Le code du travail suisse ne fait que 32 pages et les suisses ne s'en portent pas plus mal.

400

Nb de normes, lois et réglements en France en milliers

Le laisser passer A38, Les douze travaux d'Astérix

Un bel exemple de l'absurdité administrative et de l'habilité des deux personnages pour la contourner. 

12# REGLES JURIDIQUES

Les normes désignent les règles à suivre. Instruments de pouvoir mais aussi de amélioration de la qualité, elles peuvent être édictées par des Etats ou des organisations internationales. L'une des premières normes de l'#Histoire et sans doute la plus structurante a été la comptabilité

Inventée par les babyloniens (la première forme d'écriture retrouvée serait un document comptable), la comptabilité, revue par les Italiens du 15ème siècle (comptabilité à partie double du traité de Pacioli), a permis l'émergence du principal [Système Economique], le capitalisme. La comptabilité explique une grande partie de notre représentation du monde puisque c'est à partir de celle-ci que les #Richesses sont décrites. "Et il existe autant de modèles comptables que de représentation du monde, autrement dit de qu'il parait juste à une société de valoriser" [1].

D'autres normes régissent discrètement les procédés de fabrication et les technologies. Grâce à celles certains dispositifs sont devenus compatibles sur toute la planète surtout dans le secteur des télécoms ou de l'aviation civile. En raison du lobbying de groupes industriels le risque existe malheuresuement d'opter pour de mauvais standards. Même si de bons standards existent, encore faut-il les appliquer : que penser du scandale du Boeing 737 Max (Etats-Unis 2019) ? 


En matière de télécommunication ou d'aviation civile (domaines dans lesquels on croise beaucoup d'ingénieurs), les standards internationaux ont permis de développer des systèmes performants et utiles. L'UIT (l'Union International des Télécommunications), la plus ancienne organisation intergouvernementale au monde, a été créée sous le nom d'Union internationale du télégraphe en 1865 par 20 états européens à Paris pour réglementer les communication par télégraphie sans fil avant même la création de l'ONU dont elle fait partie aujourd'hui. Les normes permettent d'organiser efficacement l'économie à condition d'être édicter dans l'intérêt général.

Les normes peuvent s'appliquer dans tous les domaines : ce que l'on mange, ce que l'on respire etc.

Il existe une hiérachisation des normes selon le droit. Elles sont régies par  :
1/ La Constitution
2/ Des lois organiques, les traités internationaux, et les directives européennes
3/ Des lois regroupées dans les codes comme le code civil, le code pénal, etc (il existe 75 codes en France en 2020) 

Edicter des normes offre la possibilité de mieux coopérer entre industriels mais c'est aussi devenu un enjeu financier tel, que l'on peut parler de guerre économique pour savoir qui imposera son standard (industiel ou Pays). Exemple dans la video avec l'échec du Betamax de Sony face au VHS dans les années 80. 


Les Etats-nations commencent donc par produire papier : des lois et des normes. Mais cela ne suffit pas. Ppour les faire respecter, les Etats-nations se sont dotés de la force. Force intérieure pour faire respecter l'ordre et force extérieure, les [Forces], avec des possibilités plus ambigües : se défendre, attaquer, organiser une stratégie impérialiste (Empires Coloniaux ou zones d'influence).  

Les normes revettent une importance aussi grande que les lois, elles organisent les règles de l'économie. La première d'entre elle, la comptabilité explique même les soubassements du système capitaliste. Sous des aspects techniques, très rébarbatifs, se cache les méthodes permettant de faire de la maximisation des profits la règle de base du capitalisme. Aristote parlait de Chrématistique qui finit par nuire à la bonne gestion. Un économiste comme Michelle Volle explique les dessous des motivations réelles d'un dirigeant d'une entreprise : entre posture du prédateur face à celle du véritable entrepreneur [2].

Les Etats-nations collectent de l'impôt, s'occupent des lois, des normes mais ils gèrent aussi ses relations avec d'autres Etats-nations. Pour se parler, les Etats utilisent la #Diplomatie. Diplomatie dont l'influence va dépendre des [Richesses et Pouvoirs] à sa disposition mais aussi de l'entregent de ses représentants diplomates.


[1] Extrait Quelles normes comptables pour une société du commun ? Edouard Jourdain, Editions Charles Léopold Mayer, 2019

[2] Michelle Volle, XERFI Parole d'expert : Entrepreneurs et prédateurs : conflit frontal, 2011

La majorité des économistes, qu'ils soutiennent ou contestent le capitalisme, disent que l'entreprise a pour but de « maximiser le profit ». On trouve pourtant une autre conception dans la littérature économique : c'est celle de Schumpeter. Selon cette ligne de pensée, qui est très minoritaire dans l'opinion, l'entreprise a pour fonction « d'innover et prendre des risques ». Mais maximiser le profit et prendre le risque d'innover, est-ce la même chose ? Dire que l'entreprise a pour but de « maximiser le profit », c'est comme si l'on disait que le but du politique est de « gagner les élections ». Cela n'évoque aucunement les choix que l'entrepreneur doit faire en termes d'organisation, de technique, de produits, de commerce etc. et qui forment la trame de son emploi du temps. Il doit en effet arbitrer en permanence entre les divers moyens qui contribuent à la pérennité de l'entreprise et le profit n'est que l'un d'entre eux.

  CHAPITRE 12 - REGLES JURIDIQUES


"J'ai été membre du conseil national du numérique pendant 3 ans, on était sans arrêt en train d'instruire des sujets, qui, quand on les avait finalement instruits, s'étaient déplacés. Tout cela nous oblige à toujour reprendre à zéro. Et à un moment donné, on renonce à l'idée de pouvoir légiférer. Ce qui a un effet très dangereux : un très grand découragement." Bernard Stiegler, auteur de Dans la disruption. Comment ne pas devenir fou ?  

Notion de l'hubris.

"Et nous ne pouvons pas vivre en se disant que tout va se casser la gueule. C'est une idée insupportable."

"Il faut renverser les situations accidentelles en situations nécessaires."

"L'automatisation comptemporaine nous prolétarise. La prolétarisation, c'est la perte d'un savoir, et le savoir, c'est ce qui peut produire des bifurcations."

Projet de caisse de crédit contributif avec Plaine Commune, la communauté d'agglomération et de web du savoir avec Orange/Dassault System 


En quoi la comptabilité est l'objet de relations de pouvoir et de représentation de la société.

Reconcevoir : 

- la propriété

- l'investissement

- la monnaie

- et plus largement la démocratie économique entre producteurs et consommateurs de manière que la comptabilité constitue l'instrument adéquat à la satisfaction des besoins réels de la société.


Il existe autant de modèles comptables que de représentations du monde, autrement dit de ce qu'il parait juste à une société de valoriser (miroir de la société).


Exemple de la vache : si "intention de l'élever" pour de la production de lait c'est une immobilisation, so c'est pour de la viande, c'est un stock.


Jacques Richard : "dix thèses sur l'évolution récente du système comptable".

Il faut rappeler que la comptabilité a été la première forme d'écriture et qu'elle est liée aux cosmologies. (définition p12 de Richard Collette).

p122 sur les objets

Chaque objet de propriété a deux usages : utilisation (consommation) ou échange.

Chrématistique : ce qu'appelle le profit pour le profit Aristote

Telos, praxis hybris / Maximisation du profit, quelle est la limite ?


400 000 normes, 125 000 décrets, 10 500 lois... La France, et donc les Français, ploient sous les contraintes réglementaires. Il en existe aujourd'hui sur tout... Du nombre d'oeufs que peuvent manger nos enfants suivant leur âge au nombre d'entretiens qu'un retraité doit passer pour entrer dans un EHPAD, en passant par la hauteur des tables dans les restaurants ou la description des toilettes...

[Agriculture], [Entreprises], [Sport], [Immobilier], [Jouets], [Transports], [Santé]... tous les secteurs sont concernés. Si les lois, normes et réglementations trouvent à l'origine une justification, la machine infernale est bel est bien lancée. Dopée au principe de précaution et aux vanités politiques, elle ne semble même pas prête à ralentir. Et ce d'autant plus que, clef de voûte de la construction européenne, la France veut souvent aller bien plus loin que ce que Bruxelles ordonne.


Les normes, les règles de l'Art


Le capitalisme finit par focer les industries à créer des besoins artificiels et pour cela elles se trouvent obligées de recourir à l'influence pour faire édicter par les Etats-nations de nouvelles normes créant ainsi des espaces pour vendre de nouveaux produits.


A la fin du 11ème siècle, le Corpus juris civilis (corpus de droit civil) de Justinien réapparaît à l'université de Bologne en Italie, principal centre de connaissance européen. Le juriste Irnerius y enseigna un système juridique d'une grande lucidité et cohérence capable de régler efficacement des différends. Il est l'inventeur du droit commun (Jus commune) qui rassemble le droit romain et le droit canonique de l'Eglise.


Bartolus, jurisconsulte italien du 14ème siècle, a défini le concept juridique de souveraineté territoriale. Il a introduit l'idée que le territoire n'était pas que la propriété d'un souverain mais un objet de souveraineté lui même soumis à la jurisprudence. Véritable héritage de Rome ce cadre juridique a permis d'organiser l'usage de l'eau en Europe, puis plus tard la naissance du concept d'Etat-nation.


  NOTES



Qu'est ce que la disruption ? Interview Bernard Stiegler dans le NouvelObs du 30 juin 2016

Bibliographie
Quelles normes comptables pour une société du commun ? Edouard Jourdain, Editions Charles Leopold Mayer, 2019
Les Décisions absurdes III. L'enfer des règles. Les pièges relationnels, par Christian Morel, NRF Editions Gallimard, 2018
Normes, réglementations et lois... Mais laissez-nous vivre ! de Marie de GREEF-MADELIN, Frédéric PAYA, Plon 2020
La fabrique de la norme, Véronique Beaulande-Barraud, Presses universitaires de Rennes, 2019
De Canguilgem à Foucault, la force des normes, Pierre Macherey, La Fabrique, 2009 

  RESSOURCES



Qu'est ce que la disruption ? Interview Bernard Stiegler dans le NouvelObs du 30 juin 2016

Bibliographie
Quelles normes comptables pour une société du commun ? Edouard Jourdain, Editions Charles Leopold Mayer, 2019
Les Décisions absurdes III. L'enfer des règles. Les pièges relationnels, par Christian Morel, NRF Editions Gallimard, 2018
Normes, réglementations et lois... Mais laissez-nous vivre ! de Marie de GREEF-MADELIN, Frédéric PAYA, Plon 2020
La fabrique de la norme, Véronique Beaulande-Barraud, Presses universitaires de Rennes, 2019
De Canguilgem à Foucault, la force des normes, Pierre Macherey, La Fabrique, 2009 

Définition

Une norme, du latin norma « équerre, règle », désigne un état habituellement répandu, moyen, considéré le plus souvent comme une règle à suivre. Ce terme générique désigne un ensemble de caractéristiques décrivant un objet, un être, qui peut être virtuel ou non. Tout ce qui entre dans une norme est considéré comme « normal », alors que ce qui en sort est « anormal ». Ces termes peuvent sous-entendre ou non des jugements de valeur. Dans le domaine philosophique, médical ou psychique des auteurs considèrent qu'il n'existe pas de norme, tel Georges Canguilhem, Michel Foucault ou Sigmund Freud. 

Dans les domaines du droit, de l'économie et de la gestion, des théories récentes se sont développées autour de l'étude du phénomène d'inflation normative qui semble marquer les sociétés contemporaines. Par exemple, en économie et gestion, la théorie de la Tétranormalisation qui étudie les dysfonctionnements créés par les conflits normatifs dans les organisations, leurs causes et les moyens pour les dépasser.

La norme est traditionnellement l’un des modes d’expression privilégiés de la souveraineté.


Processus élaboration normes ISO

Les normes font l'objet d'un processus d'élaboration complexe qui se déroule en cinq phases  :

-Proposition ;
-Préparation ;
-Comité ;
-Enquête ;
-Approbation.
Dans les années 1990, sous la pression des développements rapides des technologies de l'information, l'ISO a assoupli le processus d'élaboration des normes, en tenant compte de l'activité des consortiums, dont on a considéré qu'elle ne constituait pas une menace contre le système officiel de normalisation.

Plusieurs types de documents normatifs sont aujourd'hui disponibles :

Norme ISO
ISO/PAS spécification publiquement disponible
ISO/TS spécification technique (exemple ISO/TS 15000 sur ebXML)
ISO/TR rapport technique
Accord d'atelier international (IWA)

Critiques
Le fonctionnement de l'ISO est l'objet de critiques, notamment suite aux forts soupçons d'utilisation de moyens de pression voire de corruption dans certains pays, tels que l'Allemagne, la Norvège ou la Croatie, par la société Microsoft lors du processus de normalisation du format de documents de bureautique OpenXML afin d'amener les votants à changer de position en faveur des intérêts de Microsoft.

Il est également reproché à l'ISO de facturer l'accès à nombre de spécifications, ce qui constitue un problème pour les organisations ou projets aux moyens limités qui souhaiteraient s'y conformer.

Fonctionnement des normes

Constitution et lois
Les normes dans un système juridique sont les règles obligatoires qu'elles proviennent de lois, des codes, d'une coutume voire du droit naturel. Les codes sont de deux types :

- les codes adoptés comme tels, et modifiés, par les organes délibérants, 

-ou bien les codes rassemblés par les éditeurs (Dalloz et Litec en France).

Le terme « norme » désigne au sens large l'ensemble des règles obligatoires édictées par les autorités publiques : 

- la Constitution, 

- la législation, 

- les ordonnances, 

- décrets, 

- règlements et arrêtés (ministériels, préfectoraux, ou communaux).

Les situations normatives sont assez différentes entre les États-Unis (système juridique de common law) et l'Europe continentale (système juridique de droit civil), qui représentent l'essentiel des systèmes juridiques des États dans le monde.

Dans les deux systèmes juridiques, la Constitution se trouve au plus haut niveau.

Dans l'Union européenne, depuis les années 1990, le droit communautaire modifie en profondeur les droits nationaux des différents États-membres, les directives et règlements, ainsi que les traités internationaux s'interposant entre les Constitutions et les lois (ou codes), avec la hiérarchie des normes.

Hiérarchie des normes

En droit positif, une hiérarchie ordonne les normes (voir hiérarchie des normes). Par exemple :

La constitution est au plus haut niveau de la hiérarchie.
Au-dessous, on trouve les lois organiques, les traités internationaux et les directives européennes.
Encore au-dessous, on trouve les lois, qui peuvent être regroupées dans des codes : en France par exemple, on trouve à ce niveau le code civil français, le code pénal, le code de commerce, le code général des collectivités territoriales, le code de l'environnement, etc.
Le principe de hiérarchie des normes est beaucoup plus développé en Europe continentale, et particulièrement en France, qu'aux États-Unis, qui disposent d'une souplesse jugée quelquefois excessive en Europe continentale grâce à la soft law (droit mou).

SO/CEI 5218

La norme ISO 5218 définit la représentation des sexes humains par un code numérique. Elle a été créée par le comité technique Gestion et échange de données et proposée en novembre 1976.

Le but est de représenter de façon fiable le sexe humain dans un système d'information.

Les codes utilisés sont:

0 = inconnu,
1 = masculin,
2 = féminin,
9 = sans objet.
L'ordre des sexes (masculin avant féminin) reflète l'usage majoritairement fait dans les pays étant à l'origine de cette norme.

La norme est créée en novembre 1976 par le comité technique Gestion et échange de données.

Cette norme est utilisée en France pour le numéro INSEE. D'autres codes sont cependant utilisés pour ce numéro. Par exemple le 3 pour former un numéro provisoire dans le cas où le numéro INSEE est introuvable (par exemple en raison d'un nom de famille trop long pour le système informatique).

Editeurs de texte pour la création de logiciels

Un éditeur de texte se distingue d'un traitement de texte par le fait qu'il est orienté lignes de code plutôt que paragraphes, et que les fichiers textes ne contiennent en général pas de mise en forme (taille et genre de la police, etc. L'éditeur de NextStep constituait une exception) : le traitement de texte a un format de fichiers élaboré, contenant les informations de structuration et — séparément ou non — de présentation.

L'éditeur utilise des fichiers de plein texte, présentés souvent avec une police à empattement et chasse fixes. Beaucoup d'éditeurs permettent d'agrandir et de rétrécir à volonté la police pendant une session, mais cette information n'est pas ensuite stockée avec le fichier lui-même.

Une police à chasse fixe permet d'aligner verticalement des sections correspondantes de texte, ce qui est utile pour des informations tabulées (code source FORTRAN ou assembleur, etc.).

Sous Windows

Éditeur pour Windows : Notepad2.
EDLIN (MS-DOS, Windows) éditeur ligne par ligne
EDIT (MS-DOS, Windows)
Bloc-notes (Notepad) l'éditeur standard de Windows (compatible UTF-8 et UTF-16, suivant la version de Windows)
WordPad éditeur RTF (compatible UTF-16)

Sous UNIX - GNU/Linux

L'éditeur de texte nano.
Vi et Vim (langage macro en propre)
Emacs
nano
Ne1 (nice editor)

Gaspard Kœnig – Délivrez-nous des normes !

Entre Bordeaux à Orléans, toujours à cheval sur les traces de Montaigne, l'écrivain a constaté à quel point la bureaucratie pèse sur les Français. Par Gaspard Koenig
Modifié le 05/08/2020 à 18:07 - Publié le 05/08/2020 à 17:23 | Le Point

Au fil de ses chevauchées, Montaigne avait développé une éthique de la conversation : « J'observe en mes voyages cette pratique, pour apprendre toujours quelque chose, par la communication d'autrui (qui est une des plus belles écoles qui puisse être) de ramener toujours ceux, avec qui je confère, aux propos des choses qu'ils savent le mieux. » Ce conseil, je l'ai appliqué à la lettre. De Bordeaux à Orléans, en remontant ce que les démographes appellent la « diagonale du vide », j'ai eu tout le loisir de discuter avec des dizaines de familles de milieux très divers. Jamais n'ont été abordés des thèmes trop généraux, ces questions que posent les sondeurs sur l'État, l'argent, la vie. Je n'ai pas entendu une seule fois le nom de Macron, ou des commentaires sur la politique du gouvernement. Loin des métropoles, le babillage des gazettes n'est qu'une rumeur indistincte.

Je n'ai donc pas l'impression de traverser cette « France périphérique » dont raffolent les sociologues parisiens. Naturellement, quand on demande aux gens s'ils se sentent abandonnés, ils répondent oui. Pourquoi pas. Et quand, aux élections, on leur propose un énarque vantant la mondialisation, ils peuvent fort bien lui préférer un populiste qui semble plus proche de leurs préoccupations. Mais ce ne sont pas des sujets qui animent les conversations. En revanche, en abordant « les choses qu'ils savent le mieux », un thème est revenu, encore et encore, traversant toutes les classes et tous les métiers, obsédant comme une mouche plate sur les fesses d'un cheval, revenant dès qu'on la chasse : les normes. Cet empilement réglementaire qu'on ne comprend plus, qu'on ne respecte plus, et qu'on ne supporte plus.


Périple. Cinq mois de voyage entre Bordeaux et Rome.
Normes contestables. Je me souviens en particulier d'une soirée près de Chabris, au sortir du Berry. Tout le village s'était partagé le fardeau : les uns hébergeaient ma jument dans une stabulation, les autres me logeaient sur un canapé-lit et m'offraient une fromagée à dîner. Autour de l'apéritif se trouvaient une éleveuse de chèvres, un artisan boucher et le propriétaire d'un moulin de famille. Ils étaient tous exemplaires à leur manière, sortant les chèvres en pâture, refusant les bêtes nourries à l'ensilage, ou faisant visiter le moulin aux enfants des environs. Mais l'éleveuse se désolait de ne pouvoir vendre ses propres fromages au marché, faute de respecter toutes les procédures d'hygiène (j'en ai mangé, j'ai survécu) ; le boucher ne pouvait s'offrir le luxe de chambres froides aux normes, risquant ainsi de voir son activité péricliter (normes d'autant plus contestables que l'excès de propreté favorise la résurgence de bactéries comme la listeria) ; le descendant des meuniers était en guerre avec l'administration des milieux aquatiques, qui voulait détourner l'eau du canal au motif que les poissons ne pourraient pas remonter (alors même que les anguilles, depuis des siècles, passent par la terre). Toute activité qui n'est pas standardisée, industrialisée devient suspecte. Alors, on reprend un verre et on s'emporte contre la préfecture, Bruxelles, les technocrates. Et un jour, la colère éclate comme un bief qui déborde.

Le surlendemain, après avoir traversé les plates forêts solognotes au bon trot, j'étais somptueusement accueilli à Chambord, établissement public, par l'excellent Jean d'Haussonville, représentant de l'État qui s'emploie avec énergie à rendre le domaine financièrement autonome. Autour d'un civet de sanglier avec vue sur le château, nous avons parlé de François Ier, des chasses, de l'art de la ferrure (dans lequel la garde républicaine, condamnée au bitume, est experte) et de… la Drac, qui inhibe la moindre initiative pour développer un potager en permaculture ou entretenir la forêt. Ainsi donc, au sein même de la fonction publique, entre collègues, la norme est source de frustration et de paralysie.

Je pourrais également mentionner les maisons d'hôtes sanctionnées pour avoir servi un whisky à un inspecteur incognito, les éleveurs bio hantés par la paperasse, les enfants d'agriculteurs dans l'impossibilité légale de reprendre la ferme familiale située « trop près des maisons », sans parler des règles d'assainissement pour les fosses septiques, qui changent d'une année sur l'autre. L'esprit humain peut accepter la difficulté, mais pas l'absurdité. Montaigne se plaignait déjà que « nous avons en France plus de lois que tout le reste du monde ensemble ». Mais il admettait également que « nos lois sont libres assez », parce qu'aisées à contourner. Hélas, ce n'est plus le cas aujourd'hui, et cette tradition nationale de lois comiques et inapplicables ne fait plus rire personne.

La charmante était gendarme. L'une des satisfactions profondes du voyage à cheval, c'est que le carcan normatif disparaît miraculeusement. Cette activité est trop peu pratiquée pour être réglementée : pas de permis, pas d'assurance, pas de bombe obligatoire, pas de lois, au fond. Certains chemins sont privés, d'autres, plus rares, interdits aux chevaux, mais il n'y a pas encore de caméras dans les arbres pour sanctionner les contrevenants : une seule fois, un garde champêtre m'a sermonné, avant de se rendre à l'évidence de sa propre inutilité et de déclarer la question close. En ville, sauf arrêté contraire (comme à Paris), tout est permis. Sur le trottoir, le cavalier est considéré comme un « meneur d'animaux » ; sur la route, comme un véhicule. Sautant d'une case à l'autre, il peut se faufiler partout. J'ai contacté la Commission européenne pour m'enquérir du passage des frontières entre États membres : les fonctionnaires de DG Health eux-mêmes ont reconnu qu'en l'absence de texte spécifique je pouvais me promener au gré du vent. Quant à mes hôtes, ils retrouvent l'usage de cette phrase merveilleuse : « On va s'arranger. »

La police me laisse donc tranquille. Un jour, je cherchais une bonne âme pour surveiller ma jument pendant que je faisais mes courses. Je l'avais mise à l'attache, mais les camions qui circulaient sur la départementale me commandaient la prudence. J'avisai une passante, jeune et pimpante.

« - Vous attendez quelqu'un ? me demanda-t-elle.

- Oui, vous ! »

Elle accepta vaillamment sa mission. Mais à mon retour, tandis que je répartissais mes abricots dans mes sacoches, elle me posa des questions inhabituelles. Ce que je faisais, pourquoi je traversais la ville, combien de temps je comptais y rester. La charmante était gendarme. Ne pas se fier aux apparences !

« - Le Code de la route stipule que le cheval est un véhicule comme les autres, anticipai-je.

- Oui, je sais, admit-elle à regret. »

C'est ainsi que mon alibi équestre me permet de glisser dans les interstices d'une société cadenassée et de retrouver, le temps d'un voyage, la liberté des vagabonds.

Galimatias. Le hasard veut que j'écrive cet article chez Guillaume Poitrinal, qui nous accueille pour un week-end de repos dans sa maison de Fontainebleau. Homme d'affaires, il a fait de la simplification administrative une croisade intellectuelle et politique. Son expérience au « conseil de la simplification », mis en place sous la précédente mandature, l'a conduit à la conclusion que, pour une norme supprimée, deux nouvelles apparaissent. Chaque gouvernement s'engage à réduire les textes puis s'en désintéresse, laissant la machine bureaucratique à son inertie naturelle. « Nous sommes dans le même système que l'Ancien Régime, m'explique Guillaume sur fond de Bach, une musique de la clarté s'il en est, une administration surabondante, une justice incertaine, des textes illisibles. » La Révolution est en bonne part née de ce galimatias, générateur d'injustices pour les citoyens ordinaires et de privilèges pour les initiés (comme les grandes entreprises aujourd'hui, précise Guillaume, qui en a dirigé une).

Il ne s'agit pas de prôner l'anarchie, mais de rendre la loi digne de respect, sans quoi il n'y a pas de démocratie possible. Montaigne, juriste de métier, fournit aussi la solution : « Les lois les plus désirables, ce sont les plus rares, plus simples, et générales. » Si je devais rédiger un programme politique pour la prochaine présidentielle, il tiendrait en un seul mot : simplifier. Moins glorieux que les grands plans de transformation, mais plus efficace pour libérer l'immense énergie qui sourd du pays. Ce serait l'équivalent politique du serment d'Hippocrate : Primum non nocere.

Les normes, poison de nos économies

Daniel Fortin
L'inflation des normes, poison de nos économies

Les Echos, le 18 mai 2019

C'est un sentiment d'étouffement, de harcèlement, voire d'encerclement qui, chez certains, peut déboucher sur une pathologie rendue célèbre par un député et éphémère ministre fraudeur du fisc :  la phobie administrative . Ces symptômes, chacun, à un moment de sa vie, les ressent. Ils sont la conséquence de l'inflation des lois et réglementations en tout genre, devenue une plaie de nos sociétés corsetées, notamment celles, comme la France, où il faut bien trouver employer une administration pléthorique.

Un sujet en or pour Christian Morel, qui y consacre le troisième volet de sa série à succès sur les décisions absurdes. Un livre utile, à la fois pour le constat qu'il fait de notre embonpoint réglementaire mais aussi et surtout pour l'analyse des raisons qui l'ont provoqué et pour l'étude précise de ses conséquences sur nos vies et notre économie.

En 2006, le Conseil d'Etat, dans un rapport, alertait déjà l'opinion sur la dangereuse dérive dans laquelle était entrée la production de règles. « Le nombre de textes de portée générale en vigueur ne cesse d'augmenter », écrivait-il. « On peut estimer qu'aux 9 000 lois et 120 000 décrets recensés en l'an 2000, sont venus s'ajouter, en moyenne, 70 lois, 50 ordonnances et 1 500 décrets par an. » Un courant qui, depuis, ne s'est jamais ralenti.

Mais comme le note fort justement l'auteur, l'Etat n'est pas le seul à alimenter un tel déluge. Dans la sphère privée aussi, l'inflation est de mise. Normes ISO, règles de comportements des caissières ou des employés de centre d'appels, multiples procédures de reporting dans les entreprises, normes à respecter pour l'installation d'un magasin, d'un cabinet médical ou pour le fonctionnement d'une maison de retraite : la « logorrhée réglementaire est partout », des vingt mille pages de règles qui encadrent la vie à bord du porte-avions « Charles-de-Gaulle » en passant par les onze pages et trente-cinq articles du règlement de la visite du Louvre où la déambulation en maillot de bain est formellement proscrite, alors que l'article 10 sur le droit d'entrée compte douze lignes expliquant que, pour pénétrer dans le musée, il est nécessaire de disposer… d'un droit d'entrée.

Maigre consolation, nous n'avons pas le monopole de cette maladie chronique. Aux Etats-Unis aussi, réputés pourtant plus libéraux que la moyenne, le mal a fait depuis longtemps son apparition. Le Registre fédéral américain, qui compile tous les règlements et jurisprudences en vigueur, est passé de trois tomes et 2.599 pages à sa création en 1936 à 81.405 pages soixante ans plus tard. Une revue de droit américaine a même trouvé un nom pour qualifier le phénomène : l'« hyperlexis ».

> L'inflation normative a un impact lourd sur l'économie> L'effarant bond en arrière du management
Mais d'où vient cet appétit de nos pays pour la règle ? Du poids de la culture d'abord. 

-La France est l'héritière d'une longue période de monarchie centralisatrice. 

-Aux Etats-Unis, c'est l'obsession de l'organisation parfaite qui justifie cette multiplication des normes. De façon plus conjoncturelle, leur production pléthorique est aussi une arme politique utile afin de montrer à l'opinion que l'on s'attaque à un problème. Enfin, il ne faut pas le nier : cette inflation procède surtout d'une forte demande sociale en matière de sécurité, notamment à la suite d'une catastrophe ayant provoqué une vive émotion dans l'opinion. Ce flux continu de réglementations traduit surtout ce que Christian Morel analyse comme « une excessive confiance dans la rationalité ».


Cet aveuglement est lourd de conséquences néfastes, précisément répertoriées dans l'ouvrage. L'inhibition face à l'action d'abord, qui peut se traduire par des catastrophes, notamment lors d'un incident aérien, lorsque le pilote doit arbitrer entre la procédure et son instinct pour se sortir d'une situation dangereuse. La mauvaise qualité des règles ensuite, due à leur profusion sans réel examen de leur portée. Le frein à l'innovation et au progrès enfin, sans doute le résultat le plus dommageable à long terme. La multiplication de normes contraignantes a évidemment une influence de plus en plus forte sur les décisions des entreprises et finit par impacter durablement l'attractivité d'un pays.


La solution ? Créer « un droit des règles » pour encadrer leur production propose l'auteur, qui assume le paradoxe. Certains pays, comme le Canada, se sont engagés dans la voie de la déflation normative. En France, les multiples  plans de simplification administrative attendent toujours leurs résultats concrets. Alors, en attendant, il nous reste l'évasion, comme celle à laquelle nous invite l'immense écrivain  Louis-René des Forêts dans « Ostinato » : « Piégé entre les quatre murs de la Règle, il se détourne pour écouter le vent sur la mer plus éblouissante au sommet des toits qu'une bêche frappée par le soleil. »


« Les Décisions absurdes III. L'enfer des règles. Les pièges relationnels », par Christian Morel, NRF Editions Gallimard, 257 pages, 20 euros.


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